Voici un petit texte que j’ai écris en mémoire de Didier Georges Gabily, que j’ai croisé dans mon parcours d’apprentie-comédienne il y a 20 ans.
Gabily, auteur et metteur en scène brillant est mort en 1996, et l’on va fêter les 20 ans de la mort au théâtre Monfort à Paris les 12, 13, et 14 novembre 2016.
Je participerai à une lecture de Gibiers du temps 1 le lundi 14 novembre à 21h, mais il pendant ces trois jours, de nombreuses lectures de ses oeuvres vont avoir lieu, avec de grands acteurs et metteurs en scène. A suivre.
En lien, le programme:
programme-complet-hommage-gabily
Et le communiqué de presse, pour en savoir plus sur qui était Gabily.
Gabily dit oui, Gabily dit non. Gabily faisait la pluie et le beau temps.
J’ai respiré, parlé, chanté Gabily pendant un temps. Quitte à assommer mon entourage de mon ‘Gabillage’. A 20 ans et quelques, rencontrer Didier Georges Gabily lors de ses ateliers théâtre, toujours inspirés, et inspirants, c’était quelque chose. C’était se former tout en se déformant un peu. Il y avait un parler Gabily, une façon de marcher Gabily, une façon aussi de prendre le plateau, une façon de concevoir aussi l’espace, qui avaient une estampille Gabily. Dans ses ateliers, on pouvait aussi bien apprendre des choses en tant qu’ acteur, qu’en tant que metteur en scène.
Il avait un art de l’espace, une façon de construire des images, des tableaux vivants, mais aussi une façon prodigieuse de conduire l’acteur ou l’apprenti acteur à une certaine incandescence. Il y avait des petits miracles qui se produisaient. J’ai vu des scènes magnifiques en atelier, dont la puissance ne fut jamais égalée plus tard sur scène, dans ses spectacles.
L’atelier, c’était aussi un rituel. Gabily et Evelyne, son assistante à ses côtés, cahier et stylo prêt à dégainer. C’était aussi un attroupement de chaises, derrière le ‘maître’. La bouteille de whisky, pas très loin. Un silence prudent. Un silence un peu obéissant aussi. Il y avait chez les gens une sorte de vénération pour lui, quand on avait vu se manifester’son génie’. On y travaillait Racine, Botho Strauss, Koltès, des grands classiques, comme des grands contemporains, des impros aussi en petits groupes à partir de quelques mots écrits sur des bouts de papier. On passait beaucoup de temps à regarder, et quand venait le ‘moment’ de passer sur scène, mieux valait être présent. Il était exigeant, et il fallait se montrer à la hauteur.
Gabily et ses petits yeux bleus rieurs, fureteurs. Gabily et son manteau noir. Gabily et son verbe, son rire, ses silences, ses coups de gueule, ses digressions littéraires, ses idées brillantes qui faisaient sortir l’extraordinaire de l’ordinaire ou du banal.
Je ne saurais dire comment se manifestait son génie, mais il y avait quelque chose d’inspiré, d’épique, de brillant dans la façon dont il abordait le théâtre. On pouvait aimer ou ne pas aimer ses partis pris, mais il avait une vision, et il pouvait faire émerger de grands fantômes sur scène. Il savait embarquer les gens dans sa vision, quelque soit leur univers de départ. En particulier, dans ses derniers spectacles, dans lesquels j’ai pu figuré. D’éléments hétéroclites, il pouvait faire une symphonie, mélangeant les acteurs professionnels, les acteurs débutants, les non acteurs, et tout le monde suivait avec passion. Les techniciens, la costumière, la décoratrice, les musiciens, etc…. Art choral. Gibiers du temps en particulier me laisse un souvenir flamboyant. Comment la disharmonie des êtres en coulisses pouvait comme par magie à l’instant T. s’harmoniser sur scène. C’est sans doute le miracle du théâtre, mais aussi le miracle de son génie à lui.