Joie de l’instant

Joy spotting

Des petites doses de joie. Profiter du présent. Jouir des petites choses de la vie. D’un rayon de soleil sur un parquet, ou sur la peau. Etre doucement aveuglée par un rai de soleil face à la mer, les poumons grands ouverts, le corps jouant avec le vent, et l’air marin. Etre soi-même une corde musicale dans le grand vent.

Le sourire d’un chat. Le sourire d’un enfant. Un fou rire entre sœurs. Quelques marguerites sur un gazon vert. La beauté, qui s’invite partout. Dans un trio de couleurs, de fruits appétissants sur un étal. Sur la peau d’un être aimé. Le sourire de ma mère. De mon père.

La douceur de la musique, que l’on écoute, que l’on joue, que l’on chante. L’eau de la fontaine, qui s’écoule délicatement. Les chants des étourneaux dans le pin. Le chant du coq déréglé à quatre heures de l’après-midi. Le cri du hibou à la tombée de la nuit.

La beauté, partout. Même sur une autoroute, avec le ruban gris de la route, et le ciel bleu infini. Dans une flaque d’eau d’un égout, où le soleil vient se refléter

Tout est beau, quand on a le goût et l’appétit de vivre. Même les choses, qui par définition ne sont pas belles, le deviennent. Même une rue sale, et terriblement polluée dans une ville d’Inde, avec les vaches au milieu de la route, les fils électriques qui pendent, le trafic incroyable des voitures et autres pousse-pousses, les petits commerces sur le trottoir, le bruit infernal, et les gens, par milliers. Il y a de la beauté dans cet instant vécu pleinement. Poésie de l’instant, même dans l’anarchie la plus totale.

L’amour de la vie infini, qui se manifeste par tous les petits plaisirs du quotidien. Juste un peu de vent dans les cheveux, de soleil dans les yeux, et je vibre avec l’univers.

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La banalité ou la poésie du quotidien ?

 

 

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Regarder avec un oeil nouveau la banalité du quotidien. Banalité ? Et si avec ce nouvel oeil, la banalité se commuait en petit miracle. Le miracle du quotidien. Le miracle du jour qui se lève, des mille et une choses à faire, que je-tu-nous-vous allez faire sensiblement de la même manière, et parfois à peu près aux mêmes horaires, mais qui vues, sous un angle nouveau, ne sont plus des corvées, des bonnes ou mauvaises obligations, mais des petites joies, des petites grâces, et que l’on a juste envie de dire Merci. Merci à la vie, merci d’être vivant, et merci de pouvoir faire facilement ces corvées du quotidien.

Voir le verre à moitié plein ou à moitié vide ? C’est un peu cela de ce qu’il s’agit. Ne pas s’intéresser qu’à ce qu’on a pas, ou à ce qu’on voudrait avoir, ce qu’on voudrait faire, grandir, etc… dans cette projection du lendemain, du futur, qui est bénéfique jusqu’à un certain point, mais aussi s’intéresser à ce qu’il y a dans le verre à moitié plein. A ces petites choses qui sont là, mais qu’on ne regarde même plus, parce qu’elles font partie de notre quotidien, et qu’on ne les voit plus. Parfois, ce sont des choses, parfois ce sont des êtres. Et c’est quand ces choses et ces êtres nous quittent, tout d’un coup, on s’aperçoit qu’ils nous manquent, et on s’aperçoit alors qu’on les avait négligés, qu’on ne les voyait plus, habitués que nous étions à leur compagnie.

Un exemple tout simple comme par exemple l’électricité ou l’eau du robinet. Une panne d’électricité en plein hiver ici, et c’est la panique, et c’est les bougies- mais où sont les bougies ? Tu les as vues ?-, et c’est l’impossibilité de travailler-ordinateur oblige, et cela devient un événement en soi. Alors que lorsqu’on séjourne quelque temps en Inde ou en Afrique, dans certaines régions, on a pas l’électricité de telle heure à telle heure, ou ça peut couper inopinément, et on fait avec. On apprend à faire avec. Sans même parler du problème de l’eau, que l’on trouve pas aussi aisément, comme ici en Europe. Et à ce moment-là, on réalise que ce qu’on considère pour acquis ici ne l’est pas ailleurs, et que c’est un privilège d’avoir ces choses, qui fonctionnent aussi bien.

Ce qui est banal ici ne l’est pas là-bas. Ce qui est banal pour l’un ne l’est pas pour l’autre. C’est intéressant de reconsidérer des choses qu’on a ou qu’on fait dans l’habitude du quotidien, car en y posant dessus un autre regard, d’autres choses surgissent, d’autres choses se révèlent. Comme un poteau des prés, devant lequel on passe mille et mille et une fois, sans y prêter plus attention que ça, et lorsqu’un jour, on le regarde autrement, on peut y voir la note de poésie qu’il apporte en délimitant le pré. Et le lierre qui le ravage l’habille aussi, le coiffe, et tout d’un coup, ce poteau est une poésie en soi.

Acrostiches

Résonance

Riche de ses mille vies
Elle danse, elle danse
Serpentant dans le vent
Oubliant hier ou demain
Naître à elle-même
Au présent, au dedans
N’être qu’instant, elle s’oublie
Chanter ce qui vibre en elle
Etre mouvement. Etre la vie.

Sourire

Sous son front ardent
On distinguait ses yeux rieurs
Usinés par trop de rires
Resplendissants,
Irradiants, un ciel clair après l’orage
Ravissant les cœurs, les âmes
En une seule bouchée, en un seul regard.

Les lendemains

Les lendemains qui chantent
Elle n’en avait pas connus.
N’avait jamais eu d’années fastes.
De galères en galères, d’esquif
En naufrage, elle voguait sur la grande
Mer qu’est la vie. Toujours agitée.
A jamais marquée d’un sceau écarlate.
Il y a des vies, il y a des destins aux
Nombreuses nervures. Tatoués par la vie.

Ana et ses milles vies

Salves d’applaudissements
Ana vit pour cet instant
Légitimant tous ses sacrifices
Tous ses choix, bons et mauvais
Ici, là, sur scène, elle est elle-même
Mère courage, Antigone, Helga
Bernarda, Olga, Andromaque
Ana les a toutes jouées. Reine, mère
Nonne, servante, vierge, ou putain
Que la lumière se fasse ! Sur scène,
Une et plus qu’elle-même Ana vit
Et ne respire que pour cet instant là.

Histoire de ne pas en pleurer

Hippocampe affolé
Ictus amnésique, dit-on
Sans rire, ne plus se souvenir
Trou noir, plongée dans le vide
Où suis je ? Qui suis je ?
Isidore ? Isabelle? Casimir ?
Revenir à soi, plus tard
Effrayé de s’être oublié.

 

Petits textes nés sous la contrainte de l’atelier d’écriture. Chaque 1ère lettre d’un bloc de texte forme un mot. Comme Histoire, saltimbanque, Lendemain, etc…

Des phares dans la nuit

Des phares dans la nuit. Dans le cocon de la voiture. A l’arrière de la R12. Sensation d’irréalité. Etre dans le noir. Voir la tête de papa, de maman en ombres chinoises. Que le noir et les phares jaunes-blancs au loin, qui se rapprochent de plus en plus, nous croisent, nous douchent de lumière un instant, donnant corps aux êtres qui m’entourent-mes sœurs endormies comme des masses-puis s’éloignent, et nous replongent dans le noir.

Cette douche de lumière attendue, comme une invite. Tout d’un coup, l’habitacle de la voiture était mis en lumière. Un bref instant, je pouvais voir ma main, une partie du visage de ma mère, l’épaule de ma sœur qui s’était lourdement endormie contre moi, l’arrière du siège de papa, et dans ce moment d’ennui ou de demi-sommeil, le croisement avec une voiture devenait presque un jeu. Jouer avec les pans d’ombre ou de lumière, qui remplissaient la voiture.

Des kilomètres on en avait parcouru ainsi. La nuit, à l’arrière de la voiture. Dans ce no man’s land que devenait la nationale bordée de platanes. Sur ces routes étroites et sinueuses, la présence des autres voitures que nous croisions feux de route allumés, puis feux de croisement prenait une ampleur démesurée.

Ce moment particulier dans la voiture silencieuse, ou comme si. Bercée par la voix des parents. Par bribes. Avant le sommeil. Les paupières qui s’alourdissent, et le corps qui lutte contre l’endormissement. Ce moment particulier. Etre enveloppée par le noir, toujours assez effrayant pour l’enfant peureuse que j’étais, et en même temps se sentir rassurée par la présence des parents, qu’on ne voit pas vraiment, mais qu’on sent, à quelques pas de soi. Se sentir au chaud, comme dans le ventre maternel, et leurs bribes de conversation devenaient musique jusqu’à ce que Morphée finisse par m’attraper.

Mon père, au volant, de sa conduite nerveuse, rapide, mais rassurante à la fois. Chantonnant. Du matin jusqu’au soir, mon père chantonnait. Du simple ‘hum, hum’ à un ‘hum, hum’ un peu plus développé. Cette façon particulière qu’il avait, et qu’il a toujours de vivre en chantonnant. Sans être un mélomane pour autant. Comme si c’était sa façon à lui d’être au monde.

La tête de ma mère, dodelinant sur l’appui-tête, comme une chatte amoureuse, le bras sur le haut du siège de son homme. Ma mère a été, et est toujours restée ‘folle amoureuse’ de cet homme là, et dans ces années là, ces années ‘bonheur’, ces années de la petite enfance, où tout roulait entre eux, il faisait bon de se sentir enveloppée dans leur amour. Ils étaient mes héros, mes modèles, mes repères. Ils pouvaient vaincre les ténèbres, ils étaient les sentinelles, les gardiens de nos vies.

A peine étais je endormie, qu’il fallait déjà se réveiller. ‘Ca y est ! On est arrivé !’, et c’était cruel de quitter l’habitacle de la voiture, où il faisait chaud, où nous avions fini par nous endormir en cascade les unes sur les autres, et devoir se lever, sortir dans le froid, à la lumière criante des phares était éprouvant. Mettre un pied devant l’autre, s’accrocher à la balustrade, attendre derrière les jambes de maman, qu’elle veuille bien ouvrir la lourde porte de bois, entrer dans la cuisine froide, grimper l’escalier pentu et casse-gueule, se soulever un peu pour atteindre la poignée de la porte de la chambre glacée- il n’y avait pas de chauffage- grimper sur le lit de bois, se glisser dans les draps froids, et enfin s’ensevelir sous l’édredon de plumes. Une odyssée en quelque sorte.

Finir par fermer les yeux, et en flashs, revoir la route, les phares au loin, hypnotisant, et se laisser glisser à nouveau dans le sommeil.

L’Instant de grâce

L’instant de grâce. Moment d’apesanteur. Quand tout d’un coup, ce n’est plus vous qui agissez, mais que vous êtes agi. Ce n’est plus vous à ce moment là qui tenez le pinceau, le crayon, ou qui êtes l’acteur de l’activité intellectuelle et physique entreprise, qui d’habitude demande des efforts, ou de la persévérance.

Non, tout d’un coup, les choses se font toutes seules. Vous êtes comme spectateur du ‘petit miracle’ qui se produit, et vous avez une sensation de facilité incroyable. Avoir l’impression d’être sur un petit nuage, ou d’être spectateur des choses que vous réalisez, car c’est quand même bien vous qui êtes là en chair et en os, et qui tenez le pinceau, le crayon, qui dansez, qui chantez, qui jouez, qui faites des sauts périlleux…, mais c’est comme si quelqu’un d’autre vous habitait et faisait les choses pour vous, qui vous les susurrait à l’oreille, qui guidait votre crayon ou votre pastel, votre corps avec une justesse jusque là inégalée .

Sensation de dédoublement. Sensation miraculeuse. Sensation d’avoir été visitée par les ‘dieux’. Cela ne dure généralement pas très longtemps, mais quand cet instant survient, vous avez juste eu l’impression de vivre ‘une expérience incroyable’. Quelque chose qui vous dépasse, vous et votre petite carcasse d’être humain. Quelque chose de transcendant, de l’ordre du divin, de façon très ‘païenne’ d’ailleurs. Pas besoin de croire en un dieu pour vivre cette expérience divine, et qui vous fait dire ‘Merci la vie !’.

L’instant de grâce peut aussi se vivre à deux dans une relation. Instant magique, qui peut sceller à vie une relation. Pour ce bref instant d’incandescence vécu ensemble. Quand tout se met en place parfaitement. Quand le rêve prend réalité.

Incandescence. Feu. Coup de foudre. Etrangement, ces instants sont reliés au feu. Le feu qui nous habite. Le feu que l’on peut vivre avec l’autre. Le feu de la création. Le feu créateur, et non pas destructeur.

L’instant de grâce peut aussi être vécu collectivement. L’Ukraine a vécu un instant de grâce dans la nuit de samedi dernier. Quand le dictateur s’est enfui, laissant le champ, je l’espère, à la démocratie. C’est un autre petit miracle quand les peuples réussissent à faire plier bagage à leurs dictateurs…

En filigrane

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En filigrane. J’aime ces mots. Ils sonnent, et ils m’évoquent des moments, des sensations ressenties, enfouies qui ne demandent qu’à remonter à la surface. Ce qui est en filigrane, en transparence. Ce qui est là sans être là. Ce qui se laisse deviner.

Comme lorsque vous entrez dans une pièce pour la première fois, dans une famille que vous ne connaissez pas. C’est étonnant comment
lorsqu’on est à l’écoute on peut tout lire, tout voir, ou presque de ce qui se joue entre les personnes de cette famille. Les tensions, les énergies positives, et négatives, les accointances, les incompréhensions, les non-dits….

Et bien plus que lorsque vous connaissez les personnes de cette même famille. Lorsque vous avez un lien avec eux, alors, votre clairvoyance n’est plus la même, car vous êtes imbriqué dans les fils de la/des relations avec chaque membre de cette famille, et à votre tour, vous essayez de vous positionner vis-à-vis des uns et des autres. En filigrane.

C’est fou tout ce qu’on peut percevoir. Impression de tout sentir, de tout voir, de lire les pensées des uns et des autres, de sentir le fragile équilibre de la relation, des relations. Comme si on était en mode ‘enregistreur’. Cela en fait presque mal. Comme si tous les pores de sa peau, de son propre visage devenaient malgré soi objet d’enregistrement. Pas toujours consciemment. Mais un jour, cette impression très forte ressentie à ce moment là, vous la transcrivez sous une forme ou une autre.

Et qu’importe si vous-mêmes, vous êtes l’attention de tous les regards. Vous êtes l’étranger, vous êtes à la place de Candide, et vous voyez tout. Ca n’arrive pas tout le temps. Mais lorsqu’on a la place de l’étranger dans une famille, qu’on a ce regard neuf sur un petit monde clos avec son lot d’incompréhensions, d’amours et de désamours, de non-dits qui pèsent une tonne, c’est fou comment dans les cinq à dix premières minutes on voit tout. Et peut-être est-on nous-mêmes mis à nu par les regards de ces inconnus, mais je ne crois pas. C’est vraiment une expérience unique, et qui a lieu presque à chaque fois que personnellement, je me trouve dans cette position là. Etre l’étrangère, arrivée par hasard, par inadvertance, au mauvais ou au bon moment-qui sait ?-, et cette sensation physique très particulière d’être en mode ‘enregistreur’. Par les yeux, les oreilles, les mains, le corps, le nez…. Et comme nous sommes tous faits de la même matière, j’imagine que cette expérience doit être partagée par d’autres dans les mêmes circonstances.

Avoir vraiment tous les sens en alerte.Avoir cette impression de lire distinctement tout ce qui ne se dit pas, tout ou presque, ou les grandes lignes de ce qui se cache entre les mots, tout ce qui se devine. En filigrane. Comme si nous étions le ‘révélateur’, ce produit magique qui fait apparaître l’image sur le papier photographique dans la photographie argentique.

En filigrane. Deux petits mots qui portent en eux bien des mondes secrets, comme les faces cachées des icebergs. Ces montagnes sous la mer. Nous, êtres humains sommes des sortes d’icebergs, qui glissent sur l’océan de la vie. Ce que nous montrons parfois de nous-mêmes ne représente que dix pour cents de ce que nous sommes. Parfois, plus, heureusement. Parfois, nous nous dévoilons. Un instant seulement. Comme une image photographique. Photographie de l’instant.
En filigrane.

Ces poissons qui volent

Ballon ancien-image du net

Ballon ancien-image du net


Image du net

Image du net

Ces deux images qui n’ont pourtant rien à voir l’une avec l’autre ont en commun qu’elles titillent l’imagination, qu’elles sont porteuses d’imaginaires. Des récits pourraient naître à partir de ces images.

Vingt mille lieues dans les airs

L’une, ballon gonflable ancien à la structure ailée, fait penser à un poisson aérien, survolant un paysage de montagnes-ballon espion, ballon météorologique ?- dans une atmosphère un peu fantastique. C’est la magie de l’instantané vieilli qui lui donne ce caractère quasi irréel, et mystérieux. Il y a quelque chose des représentations futuristes de Jules Vernes, qui auraient trouvé là leur incarnation. Ce n’est pas vingt mille lieues sous les mers, mais vingt mille lieues dans les airs. Qui sait ? Peut-être que le ballon cache en son sein un capitaine Némo un peu fou, extravagant et tyrannique ?

Un poisson volant

L’autre aussi saisit un instant assez irréel ou surréel du présent. Insolite. Improbable. Quand un premier miracle a lieu, un rapace vole un poisson – une truite d’un bassin d’aquarium ?-, et que ô second miracle, le photographe parvient à capter ce moment là. Quand deux ‘improbabilités’ se rencontrent dans le même cliché. Cela est renforcé aussi par le mouvement capté dans l’image : sur le flou de l’arrière-plan, sur la façade se détache clairement le rapace en plein vol, ses serres tenaillant le poisson rouge, qui, lui semble d’une impassibilité totale. Quand les poissons volent…

La vie rêveuse ou la vie hyper réelle

Ces petites choses de la vie qui arrivent, qui bouleversent un peu le cours des événements, nous surprenant, nous réveillant en quelque sorte d’un quotidien routinier et qui, l’espace d’un instant nous font voir les choses autrement. Un peu comme si nous sortions d’un rêve, ou comme si nous entrions dans une autre dimension. Ces petits imprévus qui donnent tout le suc à la vie.

Matin de neige

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Matin de neige

Se réveiller sous la neige, ou plus exactement, ouvrir les yeux sur un paysage de neige. Vingt centimètres de flocons blancs partout. Sur les toits, les capots, les tables, les chaises, les arbres, les balcons, la route. Et le paysage de votre quotidien, que vous ne voyez plus à force de le voir tous les jours se transforme en une nouvelle planète, un nouveau champ de bataille. Vous voilà débarqué en plein Canada. Vous ne savez plus comment marcher, plus comment vous tenir, et les yeux brillent, pétillent. Et la réverbération de la lumière sur la neige vous fait presque mal. Le plexus solaire ouvert. Sourire intérieur. Ce sourire là en réveille d’autres, de ceux que vous aviez petit à l’heure de la première neige. Une petite voix vous dit : «  Super ! C’est le temps des bonhommes de neige ! »

C’est tellement tentant cette invite de la première neige. Belle à croquer. Belle à se rouler dedans. Poudreuse à souhait. « On joue au Petit Poucet ? » Ce sourire en dedans réveille en soi toute notre capacité d’émerveillement. « Oh ! Une trace ! Ca, c’est un chat ! Ca c’est… ? Je ne sais pas. »  Et l’on voudrait avoir tout son temps pour soi, pour profiter de cette lumière vive, pour se remplir les yeux et les poumons de neige.  Prendre le temps de marcher sur cette délicieuse page blanche. Pureté du paysage qui vous purifie dans le même temps.

Cette douceur aussi qui émane du paysage, de l’air.  Une certaine rondeur. Une paix. Pacification qui vous pacifie. Journée de la paix avec soi-même. Froid doux. Tout prend une autre allure. Même les sons ne sont plus les mêmes. Comme si tout était ouaté. Le craquement des pas dans la neige fraîche est alors presque un cri. Cri de la neige que tu entailles avec tes pas, avec ton poids. Tu voudrais être plume, tu voudrais être oiseau pour ne pas souiller cette belle page blanche, ou si peu,  ou au contraire, tout d’un coup, tu y vas à fond. Tu t’élances dans la poudreuse, et ça craque, et ça ‘crunche’ sous tes pas, et tu t’enfonces mi amusée, mi craintive,  et tu donnes libre cours à l’enfant en toi, à la joie d’être là ici et maintenant, en harmonie avec ce beau blanc, ce terrain vierge qui s’offre à toi, que personne d’autre avant toi n’a exploré. Aventurière  du petit matin. Tu voudrais planter ton petit drapeau. Tu voudrais juste crier ta joie d’être et de résonner comme une corde de guitare.

Un téléphone sonne quelque part. « Ah ! oui ! C’est vrai ! Tu attends un coup de fil ! » Tu avais oublié. Tout oublié. Le froid qui se fait sentir au bout des doigts. Et ces cinq minutes que tu viens de passer dehors te semble une éternité. Et ta journée t’appelle à l’intérieur. Fin de l’intermède blanc.  Que tu retrouveras un peu plus tard. Mais ce sera différent. La lumière sera différente, et cette sensation de pureté,  cette impression d’être une exploratrice de la planète blanche sera passée aussi. La neige en aura vu passé d’autres, humains ou autres. Elle ne t’appartiendra plus à toi toute seule dans sa virginale plénitude.