Terrain vague. Vague terrain. Poésie de la friche.
Je m’étais laissée aller, guidée par le cheminement de mes pensées, mes pieds suivant ou précédant celles-ci, c’est selon. Juste suivi la route qui se présentait à moi. Mes pas me conduisirent ainsi à l’orée de la ville dans ce lieu indéfinissable, entre dépotoir et terrain en construction : un terrain vague coincé entre la zone industrielle et le cimetière. Lieu en devenir, où se côtoie passé et futur.
Pas de palissades, pas de coquelicots, pas de graffitis mais un vaste terrain en friche, au sol bétonné par endroits, jonché de détritus, terre d’accueil pour objets en fin de vie, sacs plastiques, chats et êtres errants. Un vestige de barrière étalait sa carcasse, et ces mots un peu insolites PROPRIETER PRIVE , peints en rouge.
Soleil tapant, haut dans le ciel. Je m’arrête un instant et de la route, je franchis le seuil de la ‘propriété privée’, un peu intriguée, avec cette vague nostalgie des terrains vagues de mon enfance, terres de jeux, de chasse au trésor et autres idéalisations du terrain vague. Terra incognita, où souffle un petit air libertaire, où la ‘Nature’ prend le pas sur le ‘Civilisé’.
Ici, pas de quoi rêver.
Un gros matou roux borgne s’enfuit à mon approche.
A côté de la barrière, je découvre un amoncellement de canettes de bières, de serviettes hygiéniques et autres détritus humains, ici, des restes de télés et un écran d’ordinateur, là un vestige de matelas, et quelques cartons. Odeur persistante d’urine et de je ne sais quoi, très nauséabond.
Mes yeux, guidés par mon nez tombent sur un cadavre de hérisson. C’est de là que vient la puanteur. Je m’écarte de cet endroit désolé, un peu écoeurée, et les yeux aux aguets. Je ne souhaite pas déranger qui que ce soit, ni me trouver nez à nez avec le nouveau ‘Jack l’éventreur’. Mais je ne décèle aucun signe d’une présence humaine.
Je décide de pousser un peu plus loin mon champ d’investigation, aller là où la nature a repris le dessus, et éviter la zone bétonnée. Et en effet, des folles herbes jaunies, des graminées, poussent en touffe par-ci, par là sur quelques dizaines de mètres, mais bientôt celles-ci sont aplanies. Le sol est sec. Des crottes de chien ici, des traces de VTT là . Un pneu de voiture ou de camion ici. Ma Terra incognita est un vrai centre commercial ! Il ne manque plus que le drugstore !
Je me rapproche du mur longeant le cimetière, où croît un figuier ombrageux, à la recherche d’un peu de beauté et d’ombre. La bonne odeur des figues mûres m’envahit, et j’éprouve un peu de réconfort en touchant l’écorce de l’arbre.
En voulant m’asseoir sur une pierre à proximité, mes yeux tombent sur une seringue usée, puis sur du papier toilette usagé… Bon, je cherchais le drugstore. Je l’ai trouvé !
Ma quête de poésie s’arrête là, et je reprends bien vite le chemin de la route goudronnée, avec un petit goût amer dans la bouche.